Proyectos

water and landscape
AGUA y TERRITORIO

Mobilisation des eaux de surface: Commentaires généraux sur les barrages en Algérie dans le passé, le présent et le futur

Surface water mobilization: General comments on dams in Algeria in the past, present and future

Ahmed Ouamane

Laboratory of Hydraulic Plannings and Environment

Université de Biskra

Biskra, Algeria

a.ouamane@univ-biskra.dz

ORCID: 0000-0001-9049-0864

Ilyese Sekkour

Laboratory of Hydraulic Plannings and Environment

Université de Biskra

Biskra, Algeria

sekkour.ilyese@univ-biskra.dz

ORCID: 0000-0001-9225-8006

Bassem Athmani

Laboratory of Hydraulic Plannings and Environment

Université de Biskra

Biskra, Algeria

athmani.bassem@univ-biskra.dz

ORCID: 0000-0003-4535-1528

Información del artículo
Recibido: 01 marzo 2020
Revisado: 22 septiembre 2020
Aceptado: 29 marzo 2021

ISSN2340-8472

ISSNe2340-7743

DOI10.17561/AT.20.5298

CC-BY

© Universidad de Jaén (España).
Seminario Permanente Agua, Territorio y Medio Ambiente (CSIC)

RÉSUMÉ
L’Algérie est dans une région à climat aride, ceci nécessite une gestion rationnelle de la ressource en eau. Selon l’état des connaissances actuelles, la mobilisation des eaux par le biais des barrages a commencé par des ouvrages de dérivation avant l’époque coloniale. Pendant cette période (1830–1962), on compte l’édification de seize barrages d’une capacité totale d’un milliard de m3. Après l’indépendance, des grands barrages ont été érigés pour atteindre une capacité d’environ neuf milliards de m3 en 2020. La préservation de ces ouvrages est l’une des priorités actuelles et futur. Le phénomène d’envasement risque de compromettre le développement en matière de mobilisation des eaux. Actuellement, la capacité de stockage perdue par envasement est de 11 %. Pour y remédier, des études ont été réalisées à l’université de Biskra (Algérie) avec Hydrocoop-France, qui ont permis de définir de nouvelles techniques d’accroissement de la capacité de stockage.

MOTS-CLÉS: Algérie, Barrages, Aride et semi-aride, Envasement, Déversoir.

ABSTRACT
Algeria is located in a region with an arid climate, which requires rational management of water resources. According to the current state of knowledge, the mobilisation of water through dams started with diversion works before the colonial period. During the colonial period (1830-1962), sixteen dams with a total capacity of one billion m3 were built. It was only after independence that large dams were erected to reach a capacity of about nine billion m3 in 2020. The preservation of these structures is one of the current and future priorities. The phenomenon of silting risks compromising development in terms of water mobilisation. Currently, the storage capacity lost through silting is 11 %. To remedy this phenomenon, studies have been carried out at the University of Biskra (Algeria) with Hydrocoop-France which have made it possible to define new techniques for increasing storage capacity.

KEYWORDS: Algeria, Dams, Arid and semi-arid, Siltation, Spillways.

Movilización de las aguas de superficie: Comentarios generales sobre represas en Argelia en el pasado, presente y futuro

RESUMEN
Argelia se encuentra en una región de clima árido, que exige una gestión racional de los recursos hídricos. Según los conocimientos actuales, la movilización del agua con presas comenzó con las obras de desviación antes del periodo colonial. Durante este periodo (1830-1962) se construyeron dieciséis presas con una capacidad total de mil millones de m3. Después de la independencia, se construyeron grandes presas para alcanzar una capacidad de unos nueve mil millones m3 en 2020. La conservación de estas estructuras es una de las prioridades actuales y futuras. El fenómeno del encenagamiento corre el riesgo de comprometer el desarrollo en términos de movilización del agua. Actualmente, la capacidad de almacenamiento que se pierde por sedimentación es del 11 %. Para remediarlo, se han realizado estudios en la Universidad de Biskra (Argelia) con Hydrocoop-Francia, que han permitido definir nuevas técnicas para aumentar la capacidad de almacenamiento.

PALABRAS CLAVE: Argelia, Presas, Árido y semiárido, Sedimentación, Vertedero.

Mobilização de Águas Superficiais: Comentários Gerais sobre Barragens na Argélia no Passado, Presente e Futuro

RESUMO
A Argélia está situada numa região de clima árido, o que requer uma gestão racional dos recursos hídricos. De acordo com o estado actual dos conhecimentos, a mobilização da água através de barragens começou com obras de desvio antes do período colonial. Durante este tempo (1830-1962), foram construídas dezasseis barragens com uma capacidade total de um bilião de m3. Após a independência grandes barragens foram erguidas para atingir uma capacidade de cerca de nove mil milhões de m3 em 2020. A preservação destas estruturas é uma das prioridades actuais e futuras. O fenómeno do assoreamento corre o risco de comprometer o desenvolvimento em termos de mobilização de água. Actualmente, a capacidade de armazenamento perdida através do assoreamento é de 11 %. Para remediar, foram realizados estudos na Universidade de Biskra (Argélia) com Hydrocoop-France que permitiram definir novas técnicas para aumentar a capacidade de armazenamento.

PALAVRAS-CHAVE: Argélia, Barragens, Áridos e semi-áridos, Assoreamento, Vertedouro.

Mobilitazione delle acque di superficie: commenti generali sulle dighe in Algeria nel passato, presente e futuro

SOMMARIO
L’Algeria si trova in una regione dal clima arido, che richiede una gestione razionale delle risorse idriche. Secondo lo stato attuale delle conoscenze, la mobilitazione dell’acqua attraverso le dighe è iniziata con opere di deviazione prima del periodo coloniale. Durante il periodo coloniale (1830 - 1962), furono costruite sedici dighe con una capacità totale di un miliardo di m3. Solo dopo l’indipendenza sono state erette grandi dighe per raggiungere una capacità di circa nove miliardi di m3 nel 2020. La conservazione di queste strutture è una delle priorità attuali e future. Il fenomeno dell’insabbiamento rischia di compromettere lo sviluppo in termini di mobilitazione dell’acqua. Attualmente, la capacità di stoccaggio persa a causa dell’insabbiamento è dell’11 %. Per rimediare a questo fenomeno, sono stati condotti studi all’Università di Biskra (Algeria) con Hydrocoop-France che hanno permesso di definire nuove tecniche per aumentare la capacità di stoccaggio.

PAROLE CHIAVE: Algeria, Dighe, Arido e semi-arido, Insabbiamento, Stramazzo.

Introduction

La construction des barrages à travers les cours d’eau, dans le but de réguler l’écoulement ou de stocker de l’eau est l’une des activités les plus anciennes de l’humanité.

Depuis toujours, l’homme cherche à emmagasiner l’eau dans des buts multiples selon ses besoins domestiques, agricoles énergétiques ou industriels. D’après la littérature, les premiers barrages de stockage d’eau ont été érigés dans des régions à climat aride et semi-aride, essentiellement au Moyen Orient (Iraq, Égypte, Yémen, etc.).

L’Algérie qui se situe dans l’extrême nord de l’Afrique, correspond au pays le plus étendu du continent, mais aussi du pourtour méditerranéen, sa superficie est de 2,38 millions km2, plus de 87,5 % de celle-ci se situe dans une région désertique. Ce pays représente le cas type d’une région aride à semi-aride. Ainsi, depuis des millénaires, les habitants de ce pays tentent de mobiliser les eaux de surface et souterraine par des différents moyens pour subvenir à leurs besoins en eau.

Le système millénaire des foggaras constitué essentiellement par des galeries souterraines, les Ceds où petits barrages de dérivation, les puits artésiens ou non et les Ghouts qui sont des cuvettes de surcreusement pour l’exploitation racinaire des nappes phréatiques dunaires constituent les principaux ouvrages de mobilisation depuis des millénaires1.

La mobilisation des eaux en Algérie peut être scindée en trois périodes: précoloniale (avant 1830), Coloniale (1830-1962) et après l’indépendance du pays du colonialisme Français (1962-2019).

Avant l’époque coloniale (avant 1830), la construction des barrages a concerné le stockage temporaire tel que le barrage Turc dans la région du Sig2 à l’Ouest de l’Algérie et le barrage Bou-Melek3 dans la région de Skikda à l’Est et les épandages de crues, fréquents dans les régions steppiques et le sud de l’Atlas Saharien: la technique consiste à dériver les eaux d’un oued au moyen d’un barrage en terre et en branchages ou en pierres et à répartir l’eau le plus loin possible par un dispositif de séguias.

À partir de la quatrième décennie du dix-neuvième siècle des barrages de petite et moyenne capacité ont commencé à être édifiés. À l’indépendance (1962), l’Algérie compte une quinzaine de barrages d’une capacité totale qui s’approche d’un milliard de m3. Alors, qu’aujourd’hui, le nombre de barrages est de 81 barrages de capacité d’environ neuf milliards de m3. La problématique qui se pose comment peut-on conserver ces ouvrages qui sont exposés d’une part à un envasement rapide et par conséquent une perte de la capacité de stockage et d’autre part à une rareté des ressources?

Cette étude donne un état général sur la ressource en eau de surface en Algérie et l’évolution du parc des barrages dans le passé, le présent et le futur et essaye de cerner les problèmes qui affectent les barrages en Algérie.

État des connaissances sur le potentiel en eaux de surface en Algérie

Le territoire Algérien se subdivise en trois régions géographiques, séparées par les chaines montagneuses de l’Atlas Tellien et l’Atlas Saharien (Figure 1).

Figure 1. Carte géographique de l’Algérie (01-Le Tell, 02-Les hauts Plateaux, 03-Le Sahara)

1. Le Tell: constitué par les plaines littorales et les chaînes côtières situées dans le Nord du pays et le long du littoral méditerranéen qui s’étend sur environ 1600 km, large de 80 à 190 km. Cette région est formée de petites chaînes de montagnes qui constituent la partie la plus septentrionale de l’Atlas tellien. Les montagnes sont séparées par des vallées, riches par leur flore et leur faune, arrosées par des cours d’eau dont les principaux sont la Tafna, le Chellif, la Soummam, le Rhumel, le Kebir et le Seybouse. La pluviométrie moyenne annuelle varie de l’Ouest à l’Est de 300 à 1600 mm4.

2. Les hauts Plateaux: entre le Tell et le Sahara, s’élèvent les deux chaines montagneuses, l’Atlas Tellien et l’Atlas Saharien, qui sont parallèles entre eux et orientés Sud-Ouest/Nord-Est, se rapprochant à leur extrémité est, entre lesquels s’étendent des plaines et hauts plateaux. Cette région est caractérisée par un climat semi-aride. La pluviométrie moyenne annuelle varie de l’Ouest à l’Est de 300 à 450 mm.

3. Le Sahara: la partie saharienne représente plus de 87,5 % de la superficie de l’Algérie (environ deux millions de kilomètres carrés); les principales formes de relief sont les regs (étendues pierreuses) et les ergs (dunes), avec au sud le massif du Hoggar et le plateau du Tassili. L’aridité ne laisse la place qu’à quelques Oasis. La pluviométrie moyenne annuelle varie de l’Ouest à l’Est de 120 à 10 mm.

De point de vue hydrographique, le territoire Algérien est subdivisé en cinq régions. Ce découpage est basé sur les complémentarités de l’eau soient posées à l’échelle de territoires physiques au sein desquels la relation ressources/besoins est établie. À leur tour, ces cinq régions sont fractionnées en dix-sept bassins hydrographiques (Figure 2):

- Les bassins tributaires de Méditerranée, ceux qui alimentent les cours d’eau qui se jettent dans Méditerranée (02, 03, 04, 09, 10, 11, 14, 15, 16).

- Les bassins dits endoréiques et les bassins des hautes plaines (01, 05, 07, 08, 12, 17).

- Les bassins sahariens (06, 13).

Figure 2. Carte des bassins hydrographiques de l’Algérie

Du fait que l’Algérie se situe dans une zone aride à semi-aride, le régime hydrologique se caractérise par:

- une irrégularité extrême des apports.

- des crues rapides et violentes.

- un transport solide important.

Les apports en eau sont irréguliers dans l’année avec des étiages souvent nuls et des crues violentes de courtes périodes, causant une érosion à l’amont et des inondations à l’aval5.

Les potentialités en eau du pays sont estimées à vingt milliards de m3/an, dont 75 % seulement sont renouvelables (60 % pour les eaux de surface et 15 % pour les eaux souterraines). Les ressources non renouvelables concernent les nappes du Sahara septentrional qui seraient exploitées comme un gisement et qui se traduisent donc par un abattement continu du niveau de ces nappes.

Les ressources en eau de surface dépendent du climat qui est dans le cas de l’Algérie aride à semi-aride. Elles sont donc peu abondantes et correspondent globalement à 12,45 milliards de m3/an pour les eaux de surface et 8,0 milliards de m3/ans d’eaux souterraines (Tableau 1)6.

Tableau 1. Répartition spatiale des eaux de surface

Bassin hydrographique

Oranie Chott Chergui

Chéliff Zahrez

Algérois Soumam Hodna

Constantinois Seybouse Mellègue

Sud

Total

Ressources pot. (Hm3/an)

1.025

1.840

4.380

4.500

700

12,45

Pourcentage (%)

8,7

15,7

37,3

38,3

0,56

100,0

Historique de la mobilisation des eaux en Algérie

L’homme a toujours essayé d’apprivoiser l’eau en la retenant, la dérivant, ou s’en protéger pour son plus grand intérêt. Cette activité a commencé avant même la naissance des civilisations, à des périodes très reculées, dans des zones très éloignées les unes des autres, avec ou sans transfert de connaissances entre les différentes concentrations humaines.

L’histoire nous apprend que le climat en Algérie n’était pas clément, il se caractérise par une rareté des eaux surtout dans la région saharienne et une abondance dans les hauts plateaux et la bande côtière. Cette disparité a incité l’homme de cette région à développer des techniques qui permettent de domestiquer et gérer d’une manière rationnelle la ressource en eau.

L’archéologie atteste des travaux et d’ouvrages hydrauliques importants tels que les aqueducs, les retenues et les petits barrages qui datent de l’époque romano-numide (Figure 3). Ceux-ci étaient principalement destinés à l’alimentation en eau potable des villes, aux thermes et à l’irrigation des vergers et des jardins périphériques des zones urbaines. Les romanos-numides pratiquaient aussi l’épandage des crues dans les zones intérieures comme en témoignent les restes de barrages de dérivation, d’impluvium collecteurs et de seguias dans les zones de Chemora, sur l’oued Djellal, et Chechar, sur l’oued Mellagou7.

Figure 3. Ouvrage de dérivation en rivière

L’hydraulique arabo-musulmane allait compléter l’héritage de l’hydraulique romano-numide en lui apportant sa science et son art spécifique en la matière à travers l’expansion géopolitique de l’Islam au Moyen-Orient et en Asie. L’hydraulique arabo-andalouse fut ainsi un point focal d’accumulation et de valorisation des techniques de mobilisation des eaux8. À l’époque Ottoman plusieurs petits barrages ont été construits à travers les trois beyliks qui constituent l’Algérie de l’époque, on peut citer le barrage de Sig dans le Beylik de l’Ouest.

Les barrages construits pendant l’ère coloniale (1830-1962)

L'implantation d’une population Européenne en Algérie était le premier objectif pour le gouvernement Français lors de la colonisation de l’Algérie. Les premiers colons, à qui l’on a promis l’Eldorado étaient si nombreux à repartir qu’il fallut faire appel aux grands investisseurs capitalistes. L’administration se lança dans la construction d’infrastructures hydrauliques pour rendre la vie des colons plus facile9.

Environ 230 villages étaient créés en Algérie en 1870, permettant d’implanter quelque 210.000 immigrants européens sur 70.000 ha. Mais il fallait leur assurer entre 100 et 150 litres d’eau par jour et par habitant. La période de 1870 à 1900 a vu la deuxième vague de peuplement, et la plus importante car près de 700.000 ha sont ajoutées à la colonie, permettant d’installer 365.000 immigrants nouveaux. La concentration de la population européenne, vivant aux deux tiers dans des petites villes autour des garnisons, tenait en grande partie à des soucis de sécurité10.

La mainmise coloniale progressive sur les terres des Algériens s’est faite par la force des armes et par l’expropriation administrative de leurs terres, sous les coups de lois visant la déstructuration de l’ordre économique traditionnel11. La restructuration de l’économie agraire selon le modèle capitaliste, que les Algériens ne connaissaient pas, a permis aux colons de s’approprier des biens fonciers en usant de leur citoyenneté française face aux Algériens12.

Cette restructuration de l’économie agraire qui se base sur l’agriculture des périmètres irrigués à grande échelle ne peut être rentable qu’en mobilisant de grandes quantités d’eau. À cet effet, des procédures juridiques ont été établi pour assurer les contrôles des ressources en eau, puis de fournir de l’eau pour l’irrigation et l’eau potable pour les nouveaux villages coloniaux13 sans tenir compte des besoins en eau de la population indigène. Et enfin d’établir une politique des grands ouvrages de mobilisation des eaux.

Autrement dit, les premières tentatives de mobilisation de l’eau pendant la période coloniale datent de la mise en place des villages de colonisation en Algérie, dans un souci de créer les conditions d’une colonisation de peuplement.

Les premières tentatives de réalisation de grandes retenues sur les cours d’eau se sont soldées par plusieurs échecs et ce pour deux raisons: une connaissance encore insuffisante du régime d’écoulement si particulier des oueds Algériens, et une mauvaise maîtrise des techniques de construction des barrages14.

Le premier barrage construit à cette époque coloniale est celui de Saint-Denis du Sig en 1846 sur l’oued Mekkera qui a été construit dans le but d’assurer l’irrigation du périmètre de la plaine du Sig, suivi du barrage Meurad construit en 1859 qui est aussi destiné à l’irrigation. Cependant, le barrage Saint-Lucien Tlelat avait un but multiple, l’alimentation en eau potable du village colonial Sainte-Barbe-du-Tlelat et l’irrigation d’un périmètre couvrant 350 ha15.

Plus de neuf barrages de faible capacité de stockage ont été construits durant la période 1846-1910 dont plusieurs ont connu des problèmes de rupture en raison des conditions hydrologiques qui n’étaient pas bien connus et des techniques de réalisation qui n’étaient pas encore maîtrisées16. La capacité totale de ces barrages avoisine les 40 Millions de m3 en 1910. La quasi-totalité de ces barrages est destinée à l’alimentation en eau potable des centres urbains coloniaux et à l’irrigation des terres agricoles des colons. Actuellement, seul le barrage Hamiz (Figure 4) qui date de cette époque (1846-1910) est encore en exploitation.

Figure 4. Barrage Hamiz (W. Boumerdes) construit en 1879

Source: Encyclopédie de l’AFN, 2013.

La période 1845-1910 soit 65 ans environ, a permis aux ingénieurs des barrages d’acquérir une expérience dans le domaine de construction des barrages et d’avoir plus d’informations sur les écoulements et les crues dans les oueds et de mieux connaitre la topographie du terrain Algérien.

Sur la base des connaissances acquit des points de vue hydrologiques, topographiques, géologiques et de retour d’expérience dans la construction des barrages, treize barrages de grande et moyenne capacité ont été construit à partir de l’année 1932. On peut citer les barrages Oued Fodda (225 millions m3), Ghrib (280 millions m3), Ighil-Emda (100 millions m3) et le barrage Erraguene (220 millions m3).

Le Barrage mixte de Bakhadda qui se situe dans le département de Tiaret faisait partie du programme dit «le programme de 1920» avec les barrages des Beni-Bahdel, de Bou-Hanifia, de l’Oued-Fodda, du Ghrib, du Ksob, des Zardézas et de Foum-el-Gherza qui formaient un ensemble remarquable, qui a augmenté d’une manière significative le potentiel économique de l’Algérie coloniale grâce à la législation spéciale sur l’exploitation en vue de l’irrigation17.

Il convient de noter qu’en 1962 les seize barrages réalisés pendant la période coloniale 1830-1962 totalisent une capacité de stockage de l’ordre d’un milliard m3, dont 20 % perdues par envasement, soit environ 200 millions de m3.

Les barrages construits après l’indépendance (1962-2019)

À l’indépendance la population Algérienne comptée dix millions d’habitants dont la majorité n’a pas d’accès à l’eau potable. Par conséquent, l’État Algérien s’est retrouvée à confronter à des besoins en eau excessifs, les infrastructures hydrauliques pour l’alimentation en eau potable ne couvrent que les régions qui étaient occupées par les colons, tandis que la plupart des quartiers et villages des Algériens sont desservis par des fontaines publics ou des seguias, les réseaux d’assainissement sont absents et dans les meilleurs des cas on ne trouve que des fosses septiques comme rejets des eaux usées. Les infrastructures hydrauliques installées pour l’irrigation sont dans la plupart des cas concentrés dans les régions d’exploitation des terres des colons. Ceci a fait que des régions entières n’ont pas un accès suffisant à la ressource en eau.

De plus, au lendemain de l’indépendance, l’économie algérienne a connu une énorme désorganisation. Cette dernière, résultait essentiellement du départ massif des Européens d’Algérie qui tenaient l’essentiel de l’encadrement administratif, économique et technique du pays. L’Algérie hérita ainsi une base d’infrastructures hydrauliques faiblement encadrée par des techniciens et gestionnaires.

Avec l’émergence d’«espaces nations», le nouvel état, à travers des instances centralisées a pris en charge la gestion de la ressource en construisant toute une série de grands aménagements pour mobiliser, transférer et allouer la ressource en eau en fonction des choix stratégiques multiples et raisonnés sur des équilibres nationaux.

Dans un premier temps, et pour éviter une rupture qui conduit à une désorganisation dans le secteur de l’eau, pendant les premières années de l’indépendance, la politique de l’eau a été une sorte de continuité de ce qui avait prévalu avant l’indépendance, ainsi, seuls deux barrages ont été construit pendant les huit premières années, le barrage Cheffia (172 millions) en 1965 et le barrage Djorf-Torba (350 millions de m3) en 1969.

À partir de l’année 1970, de nouveaux objectifs ont été définis par les pouvoirs publics. Ces objectifs sont contenus dans les différents plans de développement depuis le premier plan quadriennal 1970-1973 jusqu’au plan quinquennal 2015-2019.

Lors des trois premiers plans quinquennaux (1970-1984) qui sont marqués par la restructuration du secteur agricole, cinq barrages de capacité globale 512 millions de m3 ont été construits dont l’objectif, d’accroitre la superficie des terres irriguées.

Le stress hydrique enregistré au début des années quatre-vingt-dix a accéléré édification d’un grand nombre de barrage, c’est ainsi que pendant les trois plans quinquennaux (1985-1989, 1990-1994 et 1995-1999), vingt-trois barrages ont été érigé avec une capacité totale de 2,86 milliards de m3.

Une redéfinition de la politique de l’eau en Algérie est survenue après l’année hydrologique 2001-2002 ou le potentiel stratégique des réserves en eau a atteint son niveau le plus faible. Pour pallier cette situation, la politique algérienne de gestion des ressources en eau a été depuis axée sur:

- l’intensification de la mobilisation et le transfert des eaux d’une région à une autre pour combler le déficit en eau dans certaines régions.

- le recours à de nouvelles ressources non conventionnelles.

- la recherche d’une meilleure utilisation des ressources en eau.

Étant donné que cet article est réservé à la mobilisation des eaux de surface par le biais des barrages, on ne s’intéresse qu’à cet aspect de développement des ressources en eau.

Dans ce sens, des grands projets de construction de barrages et des travaux de transfert ont été lancés à partir du plan quinquennal 2000-2004 jusqu’au plan 2015-2019. Pendant cette période (2000-2019), trente barrages d’une capacité totale de 4.14 milliards de m3 ont été construits (Figure 5).

Figure 5. Barrage Kramis construit en 2005

Depuis 1962, plus de 60 barrages de capacité supérieure à 10 millions de m3 ont été réalisés, ceci a fait passer la capacité de stockage d’un milliard de m3 en 1962 à plus de neuf milliards m3 en 2019, soit neuf fois la capacité disponible en 1962.

Le Graphique 1, obtenue des statistiques sur les barrages en Algérie montre qu’avant 1932, la capacité de stockage totale n’était que d’environ 34 millions de m3. Ce n’est qu’en l’année 1962 que cette dernière a atteint un milliard deux cents mille m3 avec 200 millions de m3 de vase, soit une capacité réelle d’un milliard de m3. Cependant, quelques années après l’indépendance, le rythme de construction des barrages a augmenté et a atteint son maximum pendant la période 1984-1988 (4,08 milliards de m3). Le Tableau 2, montre l’accroissement de la capacité de stockage pour les périodes entre 1830 et 2019. On peut remarquer à partir de Graphique 1 et du Tableau 2, que la période (1984-2019) a connu une intensification de construction des barrages et par conséquent un remarquable saut de la capacité de stockage. Cette dernière est passée de 1,07 milliards de m3 à 9,04 milliards de m3.

Tableau 2. Accroissement moyen annuel de la capacité de stockage (Millions de m3)

Période

1830-1932

1933-1962

1963-1969

1970-1984

1985-1988

1989-2002

2003-2019

Nre d’années

102

30

7

15

4

14

17

Volume moyen annuel (millions de m3)

2,54

33,00

74,57

34.1

525,75

89,68

214,0

Graphique 1. Évolution du nombre de barrages et de la capacité de stockage pour période 1830-2019

Il est constaté du Graphique 2 que la capacité totale initiale (à la mise en eau des retenues) qui est de l’ordre de 9,0 milliards de m3 a été réduite à 8,03 milliards de m3. Cette réduction de la capacité de stockage d’environ un milliard de m3 correspond au volume perdu par l’accumulation de la vase dans les retenues des barrages pendant la période d’exploitation. Cette perte représente un taux de 11,2 % de la capacité initiale.

Graphique 2. Évolution de la capacité de stockage initiale et actuelle pour période 1930 - 2019

Indépendamment du changement climatique, l’envasement des retenues des barrages reste le souci majeur pour leur conservation. Ce phénomène est bien sûr pris en compte lors de la conception du barrage. Une tranche dite morte qui vient en plus de la capacité utile nécessaire à la régularisation interannuelle est prévue pour 30 à 50 ans d’exploitation. Il n’en demeure pas moins qu’à long terme se pose le problème de conservation des retenues de stockage de la ressource en eau.

La population à l’indépendance était de 10 millions pour une mobilisation de la ressource en eau de surface d’un milliard de m3, tandis qu’en 2020, elle est de l’ordre de 44 millions d’habitants contre une mobilisation des eaux de surface de neuf milliards de m3. Cette comparaison fait apparaitre l’effort déployé par le gouvernement Algérien pour combler le déficit en eau enregistré ces dernières années et d’améliorer le mode de vie des citoyens.

Tendances futures

La politique nationale en matière de développement des infrastructures hydrauliques décidée pour les années à venir, vise à accroitre la mobilisation et le transfert de la ressource en eau sous ses formes conventionnelles et non conventionnelles. Ceci dans l’objectif de satisfaire la forte demande en eau des différents secteurs et éviter un stress hydrique.

Cette nouvelle politique de l’eau est basée sur des principes nouveaux, d’unicité de la ressource, de gestion intégrée à l’échelle du bassin hydrographique et de gestion concertée, économique et environnementale.

Les grands objectifs de cette politique peuvent se résumer comme suit:

- Protection des ressources existantes: prise en charge de l’assainissement, réhabilitation des stations d’épuration, la réalisation des systèmes d’épuration, le lagunage.

- Développement des outils de planification et de gestion dynamique à travers le Plan National de l’eau.

- Utilisation des ressources non conventionnelles, par l’utilisation des eaux usées après épuration pour l’agriculture et l’industrie, le dessalement des eaux saumâtres et de l’eau de mer.

En outre, il est à signaler que du fait de la pérennité de l’eau de mer, et de sa disponibilité à proximité des grandes villes et centres industriels, cette option reste incontournable pour le moyen et long terme, notamment pour la région Ouest du pays, touchée sévèrement par le phénomène de sécheresse.

- Réformes institutionnelles juridiques et organisationnelles en prenant compte des différents axes constitutifs du secteur des ressources en eau à savoir: la connaissance de la ressource, la mobilisation, la distribution de l’eau potable et industrielle, la distribution de l’eau d’irrigation, l’assainissement et le recyclage des eaux usées, la gestion intégrée à l’échelle du Bassin Hydrographique.

- Mobilisation du maximum de ressources possible et protection des infrastructures hydrauliques;

Pour assurer une mobilisation maximale des ressources en eau superficielles, l’Algérie compte atteindre un total de 120 grands barrages pour aboutir d’ici 2030 à mobiliser un volume d’eau estimé à 12,5 milliards de m3. Actuellement, le nombre s’élève à 81 barrages de capacité totale de plus de neuf milliards de m3 dont 11 % de ce volume est perdue par envasement18.

La problématique d’envasement des barrages en Algérie représente l’inconvénient principal pour l’exploitation et la conservation de ces ouvrages. De plus, 50 % des barrages ont dépassé la durée de vie qui varie de 30 à 50 ans. Ainsi, il est temps de chercher des solutions faisables qui atténueront le phénomène d’envasement pour conserver la capacité de stockage des retenues des barrages en exploitation.

Solutions possibles pour la conservation des barrages

Les barrages réservoirs sont conçus pour stocker un volume d’eau limité tout en assurant le passage des crues extrêmes prévues. Cependant, l’expérience acquise dans le domaine de la gestion des barrages a montré d’une part que la plupart des barrages ont été affectés par un envasement précoce de leurs retenues et d’autre part, l’effet du changement climatique a engendré des crues importantes que celles prévues, ceci a affecté la capacité des évacuateurs de crues d’un grand nombre de barrages qui est devenue insuffisante. Ces deux problèmes engendrent simultanément une réduction de la capacité de stockage et condamnent la sécurité du barrage.

Il est possible de trouver des alternatives qui permettent de compenser la capacité de stockage perdue et d’augmenter le degré de sécurité des barrages existants.

L’une des solutions possibles correspond au réaménagement de l’évacuateur de crues en faisant surélever le seuil du déversoir pour augmenter la capacité de stockage et allonger la longueur de sa crête pour augmenter la capacité d’évacuation des crues tout en maintenant le même niveau maximum de la retenue.

Des études théoriques et essais sur modèles réduits ont été engagés à l’université de Biskra en collaboration avec Hydrocoop-France depuis vingt ans pour définir de nouveaux types de déversoir qui permettent la surélévation du seuil de l’évacuateur de crues afin d’atténuer l’effet de l’envasement sur la capacité des retenues des barrages et par conséquent, allonger leur durée de vie, tout en assurant le passage des crues dans des bonnes conditions de sécurité. Ainsi, trois types de déversoirs ont été développés:

1. Déversoir en touches de piano (PK-weir):

Le déversoir en touches de piano ou PK-Weir (Figure 6) développé en 2003 par A. Ouamane et F. Lempérière peut être utilisé pour les nouveaux barrages ou pour les barrages existants qui nécessitent une augmentation de la capacité du déversoir et/ou la capacité de stockage de la retenue. Il peut être placé sur des sections réduites de barrages poids existants ou nouveaux, permet l’évacuation des débits spécifiques jusqu’à 100 m3/s/m et multiplie au moins par trois le débit d’un déversoir Creager.

Figure 6. Déversoir en Touches de Piano (PK-weir)

Source: Lempérière & Ouamane., 2003.

Ce nouveau type de déversoir (PK-Weir) multiplie le débit d’un déversoir Creager par 3,5 ou 4 pour h* = 0,3 H et par deux pour h* = H. Le gain en profondeur de réservoir (ou en hauteur du barrage) est proche de 0,5 H et le gain de débit spécifique est proche de 2 H1,5. h* désigne la charge totale sur le PK-Weir et H la hauteur maximale des murs latéraux19. Le débit spécifique du PK-Weir (Type A) peut être estimé par la relation suivante:

q=4h^H

- Accroissement de la capacité des retenues des barrages:

Si la profondeur de la nappe pour la crue de conception est h, il sera possible d’augmenter le niveau d’exploitation de 0,6 H en baissant le seuil de 0.9 H et plaçant le PK-Weir dont la hauteur P sera 1,5 H.

L’augmentation du niveau d’exploitation d’un mètre exigera par mètre de longueur de déversoir 2 à 3 m3 de béton armé et 1,5 à 2 m3 de béton ordinaire pour la plupart des déversoirs.

Le rapport entre la surface de la retenue S (en m2) et la longueur de déversoir L (en m) varie souvent entre 10.000 et 20.000. L’utilisation de 2m3 de béton armé permet de récupérer 10.000 à 20.000 m3 de stockage d’eau.

- Accroissement de la capacité des évacuateurs de crues:

Il est souvent demandé d’augmenter la capacité d’évacuation d’un évacuateur de crues à écoulement libre de 1,5 ou 2. Le PK-Weir peut être une solution avantageuse. Par exemple si la charge de conception est H, baissant le seuil d’une hauteur égale à H et plaçant un PK-Weir pour maintenir le même niveau d’exploitation ceci augmentera le débit d’environ 70 %, exigeant ainsi pour chaque m3/s de débit supplémentaire un volume de béton armé de 0.5m3 et 0.35 m3.

- Augmentation du stockage et de la sécurité:

Pour augmenter à la fois la capacité d’évacuation du déversoir et la capacité de stockage de la retenue. Il est possible d’adopter la solution du PK-Weir pour augmenter le stockage de 30 % de la profondeur de la nappe actuelle et augmenter la capacité d’évacuation de 50 %.

2. Le déversoir en blocs fusibles:

Les blocs fusibles sont de simples blocs massifs en béton placés les uns à côté des autres sur le seuil d’un déversoir (Figure 7). Ils sont simplement posés et restent stables jusqu’à ce que l’eau de la retenue atteigne un certain niveau et ils basculent lorsque ce niveau est dépassé. Ils représentent un moyen économique pour l’accroissement de la capacité des retenues des barrages20.

Figure 7. Déversoir en blocs fusibles construit au Burkina Faso

Source: Lempérière, Vigny & Ouamane, 2015.

Pour s’assurer que l’ampleur de la pression de soulèvement à chaque bloc se développe comme prévu, une zone creuse est prévue sous chaque bloc qui est largement ouvert sur le côté amont et complètement fermé et étanche sur le côté aval. Les blocs sont placés sur le même seuil et peuvent avoir la même hauteur P, mais de largeur différente E, afin qu’ils basculent à différents niveaux d’eau dans la mesure nécessaire selon augmentation de débit des crues.

Une formule simplifiée pour une conception préliminaire avant l’essai de modèle peut être utilisée pour un bloc fusible conçu comme dans la figure 3 où ht est la charge de l’eau correspondant au basculement: ht = E – 0,4 P.

Pour une profondeur de nappe amont ht égale à la hauteur du bloc P, la largeur du bloc E est donc d’environ 1,4 P et le débit après basculement sera x 2.15 x 2h √2h = 6,1 h √h soit environ trois fois le débit avant le basculement. Une telle conception apparaît comme une utilisation plutôt logique des blocs fusibles lorsqu’elle est utilisée sans association avec d’autres dispositifs parce qu’elle correspond à un premier basculement pas avant la crue qui atteint le tiers de la crue extrême, à savoir, dans les cas habituels, pas avant la crue de probabilité 1/100 qui peut être considéré comme acceptable par la plupart des propriétaires (Figure 8)21.

Figure 8. Blocs fusibles en béton submerge par la crue

Source: Lempérière, Vigny & Ouamane, 2015.

Accroître la hauteur du bloc au-dessus de cette limite serait évidemment d’augmenter le débit après le basculement (par exemple une hauteur de bloc P = 3ht permettrait le passage d’un débit après basculement de tous les blocs de huit fois le débit avant le premier basculement), mais il semble que dans la plupart des cas il n’y a pas l’utilité de le faire: si la crue extrême est d’environ trois fois la crue de probabilité 1/100 et si les blocs sont conçus pour évacuer la crue de probabilité 1/100 avant le premier basculement, alors il n’y a aucun besoin d’évacuer plus que trois fois le débit évacué avant le premier basculement.

3. Déversoirs Innovatifs Associés (Figure 9):

Développés en 2015 par F. Lempérière, J. P. Vigny et A. Ouamane, les Déversoirs Innovatifs Associés sont constitués par une série d’éléments de PK-weir associée à des blocs fusibles. Ils permettent de bénéficier des avantages de chacun des deux systèmes: ceux des PK-weir pour les débits usuels et ceux des blocs fusibles pour les débits exceptionnels22.

Figure 9. Schéma du Déversoir Innovatifs Associés

Source: Lempérière, Vigny & Ouamane, 2015.

Les schémas ci-dessus représentent les dispositions d’ensemble correspondant des Déversoirs Innovatifs Associés.

Consacrer une partie de la longueur du déversoir au PK-weirs et une partie aux blocs fusibles en béton permet de bénéficier des avantages spécifiques des deux dispositifs: un débit supérieur de PK-weirs avant le basculement des blocs fusibles et un débit plus élevé après le basculement des blocs fusibles.

Conclusion

Un retour sur le passé montre que l’Algérie n’était pas dépourvue de traditions et de savoir-faire dans le domaine de mobilisation et gestion des ressources en eaux. L’irrégularité typique du climat aride à semi-aride contraint, en effet, à réaliser des barrages, à la fois pour l’épandage des crues, le stockage de l’eau et la lutte contre les inondations. L’état des connaissances révèle une grande diversité de solutions, à l’image de la variété des écosystèmes. Le savoir-faire dans le domaine de la mobilisation des eaux a des origines variées: Numide, Romaine, Arabe, Andalouse, Turc et Française. Même si bon nombre d’aménagements anciens sont aujourd’hui fort dégradés, ils témoignent de l’ancienneté des techniques d’aménagement hydraulique. Les chercheurs Algériens commencent à s’intéresser depuis quelques années à l’inventaire du patrimoine hydraulique.

Les barrages qui représentent les aménagements hydrauliques les plus importants ont commencé à être érigés depuis plusieurs siècles. L’évolution du secteur des barrages peut être scindée en trois périodes: avant 1830, date de l’occupation de l’Algérie par la France, entre 1830 et 1962, période de la colonisation et la période post-coloniale qui s’étend de 1962 à ce jour.

Il est remarqué qu’en Algérie les premiers barrages ont été utilisés essentiellement pour la dérivation des eaux des oueds (épandage). Selon l’état des connaissances actuelles, ce n’est qu’en 1845 que les barrages réservoirs ont commencé à être érigés. Avant l’année 1910, plusieurs barrages ont connu des problèmes de conception en raison des techniques de réalisation qui n’étaient pas encore maîtrisées. À partir de 1932, des barrages de plus grandes capacités ont été édifiés. À l’indépendance (1962), l’Algérie compte 16 barrages d’une capacité totale d’un milliard de m3, ce n’est qu’après cette date que les grands barrages ont commencé à être réalisés pour atteindre en 2019 une capacité totale de plus de neuf milliards de m3.

À la lumière des éléments du constat de l’état actuel des ressources en eau et afin de parvenir à une sécurité alimentaire satisfaisante, il faudra mobiliser entre 15 et 20 milliards de m3/ans. Il est à préciser que les potentialités hydriques de l’Algérie sont de 05 milliards en eau souterraine et ne sont que de 12,5 milliards de m3/ans en eau de surface, comme indiqué, la capacité de mobilisation actuelle n’est que de neuf milliards de m3/ans correspondant aux 81 barrages existants.

Pour atteindre l’objectif de mobilisation de 15 à 20 milliards de m3, il est nécessaire d’augmenter la capacité de stockage d’au moins 03 milliards de m3 par la construction de nouveaux barrages et de poursuite de la mobilisation de nouvelles ressources en eaux conventionnelles et non conventionnelles.

Cependant la préservation des infrastructures hydrauliques est l’une des priorités actuelles et futures. Le phénomène d’envasement risque de compromettre le développement en matière de mobilisation des eaux de surface. Actuellement, la capacité de stockage perdue par envasement est de l’ordre de 11 % de la capacité totale de stockage des barrages.

Pour lutter contre l’envasement, plusieurs solutions sont possibles. L’une des solutions possibles correspond au réaménagement de l’évacuateur de crues en faisant surélever le seuil du déversoir et allonger la longueur de sa crête tout en maintenant le même niveau maximum de la retenue. Ces deux modifications du déversoir permettent d’augmenter le stockage de la retenue et d’accroitre le débit évacué par le déversoir existant.

Les études théoriques et expérimentales réalisées à l’université de Biskra en collaboration avec Hydrocoop-France depuis vingt ans ont permis de définir de nouveaux types de déversoirs qui permettent la surélévation du seuil de l’évacuateur de crues afin de réduire l’effet de l’envasement sur la capacité des retenues des barrages et par conséquent, allonger leur durée de vie, en assurant en même temps le passage des crues dans des bonnes conditions de sécurité. Cette technique permettra la récupération d’au moins 70 % de la capacité perdue par envasement. Malgré les aléas climatiques l’Algérie peut éviter un stress hydraulique sévère en assurant une gestion rationnelle des ressources en eaux conventionnelles et non conventionnelles.

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