Miscelánea

water and landscape
AGUA y TERRITORIO

Impacts du changement climatique sur les ressources en eau de la commune urbaine de Téra dans la région de Tillabéri au Niger

Impacts of climate change on water resources in the urban commune of Téra in the Tillabéri region of Niger

Kailou Djibo Abdou

École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme
Lomé, Togo
kailou20012001@yahoo.fr

ORCID: 0000-0001-6495-9411

Informations sur l'article

Reçu : 11/07/2024
Révisé : 18/10/2024
Accepté : 21/10/2024
En ligne : 04/06/2025
Publié : 10/10/2025

ISSN 2340-8472

ISSNe 2340-7743

DOI 10.17561/at.28.9077

cc-by

© Universidad de Jaén (España).
Seminario Permanente Agua, Territorio y Medio Ambiente (CSIC)

RÉSUMÉ
La commune urbaine de Téra au Niger se caractérise par un climat chaud avec des précipitations moyennes annuelles d’environ 420 mm et des températures moyennes de 29 °C. Eu égard à l’importance des ressources d’eau en milieu sahélien, cet article analyse les impacts du changement climatique sur les ressources en eau dans la commune urbaine de Téra, en milieu sahélien. La méthodologie utilisée est mixte avec une combinaison des données cartographiques, climatiques, qualitatives et quantitatives. Une série de cartes et des données climatiques de 1990 à 2020 ont été réalisées et analysées. Les résultats de ce travail montrent que la commune urbaine de Téra est confrontée à une irrégularité des pluies avec plus de 18 années sèches sur les 33 de la série. Elle est aussi sujette à l’évapotranspiration, une recharge aléatoire de la nappe, des ravines, une diminution du couvert végétal et des plans d’eau de surface.

MOTS-CLÉS : Impact du changement climatique, Diminution des ressources en eau, Irrégularités des pluies, Recharge aléatoire des nappes, Niger.

ABSTRACT
The urban district of Téra in Niger has a hot climate, with average annual rainfall of around 420 mm and average temperatures of 29 °C. Given the importance of water resources in a Sahelian environment, this article analyses the impacts of climate change on water resources in the urban district of Téra, in a Sahelian environment. The methodology used is a combination of cartographic, climatic, qualitative and quantitative data. A series of maps and climate data from 1990 to 2020 were produced and analysed. The results of this work show that the urban commune of Téra is faced with irregular rainfall, with more than 18 dry years out of the 33 in the series. It is also subject to evapotranspiration, random groundwater recharge, gullies, reduced vegetation cover and surface water bodies.

KEYWORDS: Impact of climate change, Decrease in water resources, Rainfall irregularities, Random groundwater recharge, Niger.

Repercusiones del cambio climático en los recursos hídricos de la comuna urbana de Téra (Níger)

RESUMEN
El distrito urbano de Téra, en Níger, tiene un clima cálido, con precipitaciones medias anuales de unos 420 mm y temperaturas medias de 29 °C. Dada la importancia de los recursos hídricos en un entorno saheliano, este artículo analiza los impactos del cambio climático en los recursos hídricos del distrito urbano de Téra, en un entorno saheliano. La metodología utilizada es una combinación de datos cartográficos, climáticos, cualitativos y cuantitativos. Se elaboraron y analizaron una serie de mapas y datos climáticos de 1990 a 2020. Los resultados de este trabajo muestran que el municipio urbano de Téra se enfrenta a precipitaciones irregulares, con más de 18 años secos de los 33 de la serie. También está sometida a evapotranspiración, recarga aleatoria de aguas subterráneas, cárcavas, reducción de la cubierta vegetal y de las masas de agua superficiales.

PALABRAS CLAVE: Impacto del cambio climático, Disminución de los recursos hídricos, Irregularidad de las precipitaciones, Recarga aleatoria de aguas subterráneas, Níger.

Impactos das alterações climáticas nos recursos hídricos da comuna urbana de Téra, na região de Tillabéri, no Níger

RESUMO
O distrito urbano de Téra, no Níger, tem um clima quente, com uma precipitação média anual de cerca de 420 mm e temperaturas médias de 29 °C. Dada a importância dos recursos hídricos num ambiente saheliano, este artigo analisa os impactos das alterações climáticas nos recursos hídricos do distrito urbano de Téra, num ambiente saheliano. A metodologia utilizada é uma combinação de dados cartográficos, climáticos, qualitativos e quantitativos. Uma série de mapas e dados climáticos de 1990 a 2020 foram produzidos e analisados. Os resultados deste trabalho mostram que a comuna urbana de Téra é confrontada com uma pluviosidade irregular, com mais de 18 anos secos entre os 33 da série. Está também sujeita a evapotranspiração, recarga aleatória de águas subterrâneas, ravinas, redução do coberto vegetal e massas de água superficiais.

PALAVRAS-CHAVE: Impacto das alterações climáticas, Diminuição dos recursos hídricos, Irregularidades da precipitação, Recarga aleatória das águas subterrâneas, Níger.

Impatto del cambiamento climatico sulle risorse idriche nel comune urbano di Téra, nella regione di Tillabéri in Niger

SOMMARIO
Il distretto urbano di Téra, in Niger, ha un clima caldo, con precipitazioni medie annuali di circa 420 mm e temperature medie di 29 °C. Data l'importanza delle risorse idriche in un ambiente saheliano, questo articolo analizza gli impatti dei cambiamenti climatici sulle risorse idriche nel distretto urbano di Téra, in un ambiente saheliano. La metodologia utilizzata è una combinazione di dati cartografici, climatici, qualitativi e quantitativi. Sono state prodotte e analizzate una serie di mappe e dati climatici dal 1990 al 2020. I risultati di questo lavoro mostrano che il comune urbano di Téra è soggetto a precipitazioni irregolari, con più di 18 anni secchi sui 33 della serie. È inoltre soggetto a evapotraspirazione, ricarica casuale delle acque sotterranee, calanchi, riduzione della copertura vegetale e corpi idrici superficiali.

PAROLE CHIAVE: Impatto del cambiamento climatico, Diminuzione delle risorse idriche, Irregolarità delle precipitazioni, Ricarica casuale delle acque sotterranee, Niger.

Introduction

Les préoccupations liées à l’eau sont universelles. À ce titre, le sixième Objectif du Développement Durable (ODD) vise à « garantir l’accès de tous à l’eau et assurer la gestion durable des ressources en eau » d’ici 2030 sur l’Agenda international des Nations Unies. La forte demande d’eau pour des besoins divers et le changement climatique engendrent une pression sur les ressources disponibles. En effet, les activités agricoles, la forte croissance démographique couplée à l’industrialisation et l’urbanisation ont réduit les ressources en eaux renouvelables et disponibles. La situation est beaucoup plus préoccupante en Afrique où plus de 80% des personnes sont privées d’un accès à une source d’eau potable, et ce, malgré un potentiel hydrique important dans certaines parties1.

Cette situation de sous-couverture des besoins en eau pour l’ensemble de la population est marquée par des évènements climatiques de plus en plus forts avec des disparités intra et inter régionales importantes. En outre, elle est aggravée par le phénomène du changement climatique avec la hausse des températures, la disparition du couvert végétal et les inondations qui affectent négativement les ressources et les services d’eau. Ainsi, plusieurs auteurs dont2 s’accordent à dire que le changement climatique a une influence sur les ressources naturelles dont l’eau. En effet, les analyses3 ont montré une corrélation entre changement climatique et la crise de l’eau. Quant à4, ils énoncent que le changement climatique engendre des inondations dans certaines régions du monde et pollue l’eau douce disponible.

Dans la même lancée,5 en étudiant les conséquences du changement climatique sur l’hydrologie du bassin versant de la Meuse en France ont remarqué des impacts sur tous les usages de l’eau. Ces auteurs soulignent une intrusion d’eau saline dans les habitats côtiers sur le plan écologique, une diminution du chiffre d’affaires dans le secteur touristique, un arrêt du transport fluvial à l’intérieur des terres et une baisse de la production énergique et agricole6. Ont souligné dans le contexte marocain que les eaux du bassin d’Essaouira subissent les effets de la variabilité climatique. Ainsi on constate une dépression du niveau piézométrique pendant les années sèches et une remontée de celui-ci en années humides. Aussi la recharge de la nappe phréatique dépend-elle essentiellement des précipitations.

De manière générale, le monde est souvent confronté à des épisodes de sécheresse suite au changement climatique qui provoque une réduction des ressources en eau disponibles. C’est ainsi que certaines zones comme Sidi Bel Abbès en Algérie sont sujettes à des déséquilibres entre l’offre et la demande en eau. C’est état de fait pousse les décideurs à mettre en place des politiques et dispositifs de gestion des sécheresses7. Pour le Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’Évolution du Climat (GIEC), les activités anthropiques contribuent énormément dans l’augmentation des températures observées ces dernières années. Cette augmentation affecte à son tour l’accroissement des déficits hydriques. En effet, les conclusions du sixième rapport du GIEC soulignent que:

«Les impacts du changement climatique vont s’accentuer au fur et à mesure du réchauffement mondial. Cela concerne : les extrêmes de températures, l’intensité des précipitations, la sévérité des sécheresses, l’augmentation en fréquence et intensité des évènements climatiques rares, l’accélération de la fonte du permafrost, de la glace de mer en Arctique, des glaciers de montagne et des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique»8.

Mais c’est sans doute en Afrique subsaharienne où l’évapotranspiration est forte que l’on observe plus d’impacts. Dans cette zone, l’une des caractéristiques du climat est sa grande variabilité entre les années9. Cette variabilité climatique constatée dans la région du « Grand-Lahou » en Côte d’Ivoire a des conséquences négatives sur les ressources en eau souterraine selon10. Parmi ces conséquences figurent les inondations qui entrainent l’envasement des cours d’eau et la pollution des ressources hydriques. Plusieurs inondations ont déjà été enregistrées ces dernières années, et ce, de manière récurrente. À l’échelle mondiale, les inondations comptent parmi les phénomènes naturels les plus fréquents, les plus dangereux et les plus destructeurs11.

Le Niger, pays de l’Afrique occidentale où des séries de sécheresses se sont succédées depuis une cinquantaine d’années, est souvent confronté à des crises climatiques. Selon12, les sècheresses au Niger sont souvent couplées à une baisse de la pluviométrie, un réchauffement des températures de plus de 2 °C et des inondations. Or au Niger, plus 13 000 000 de personnes soit la moitié de la population s’approvisionnent en eau via le fleuve Niger, les puits traditionnels et les mares qui sont des sources d’eau vulnérables aux chocs climatiques. En ce sens, le phénomène de changement climatique, conjugué à la forte dégradation de l’environnement liée à la pression démographique, contribue à accentuer la dégradation de la qualité de l’eau, au problème de recharge de la nappe et les inondations. S’agissant des inondations, elles y sont généralement liées aux pluies exceptionnelles enregistrées. Depuis plus d’une décennie, près de 4 000 000 de personnes des grandes villes nigériennes à savoir Niamey (2009, 2010, 2012, 2018 et 2024), Zinder (2011, 2012, 2024), Maradi (2011, 2012, 2013, 2024), Agadez (2009) et Diffa (2012), vivent la récurrence des inondations fluviales et pluviales qui se traduisent par des pertes en vies humaines et des dommages socio-économiques et environnementaux énormes13. Ces inondations corolaires du changement climatique ont causé plusieurs dégâts sur les différents secteurs, dont l’eau. En effet, l’inondation des ouvrages hydrauliques comme les barrages, puits et bassins entraîne des risques de pollution, d’envasement des cours d’eau, de diminution de la disponibilité en eau de bonne qualité.

Les impacts de ce phénomène extrême sur les populations sont plus sévères dans les villes secondaires comme Téra, située au cœur du Liptako-Gourma (zone de socle à cheval entre le Burkina Faso et le Niger) dans la région de Tillabéri au Niger. Dans cette ville, les études hydrogéologiques ont montré que les aquifères sont très discontinus et le taux d’échec des forages et très élevé14.Les ressources en eau, toutes catégories confondues, sont très précaires et sont inégalement réparties dans le temps et dans l’espace souligne15. Ainsi, la commune urbaine de Téra est sujette à une situation «de précarité hydrique qui résulte de la conjugaison des contraintes climatiques, hydrogéologiques et de l’insuffisance des investissements publics dans un contexte de forte croissance démographique (3,9 % de taux d’accroissement naturel) »16. Hormis cela, la commune urbaine de Téra fait régulièrement face aux effets du changement climatique. En effet, malgré l’augmentation des précipitations ces dernières années17, elle est confrontée à un problème d’alimentation en eau potable et de drainage des eaux pluviales. Ce constat nous amène à nous interroger sur les impacts du changement climatique sur les ressources en eau de la commune urbaine de Téra au Niger depuis 1990. Quels sont les facteurs du changement climatique qui impactent les ressources d’eau dans la commune urbaine de Téra ? L’analyse des relations entre température et temps, quantité d’eau et temps, précipitation et inondations, permet d’évaluer les incidences du changement climatique sur les ressources en eau dans la commune.

Contexte : Présentation de la commune rurale de Téra

La commune urbaine de Téra est située à 176 km de Niamey (capitale du Niger). Elle est une des 8 (huit) communes du département du même nom (Région de Tillabéri). Elle a été créée par l’ordonnance N° 2009-002/PRN du 18 aout 2009 modifiant et complétant la loi 2002-14 du 11 juin 2002 portant création des communes et fixant les noms de leurs chefs-lieux. Elle est localisée entre 13 º et 15 ° de latitude Nord, puis 0° 24’ de longitude Est, avec une superficie de 2.380 km². Elle est limitée au Nord par la commune rurale de Kokorou, au Sud et au Sud-Ouest par la commune rurale de Diagourou, à l’Est par la commune rurale de Dargol et à l’Ouest par la commune rurale de Bankilaré (Figure 1).

Figure 1. Présentation de la commune urbaine de Téra

Source : Kailou Djibo, Abdou (SINGER), janvier 2024.

Le relief de la commune de Téra est composé de quatre (4) grands ensembles qui sont : les dunes à pentes douces, les plateaux latéritiques, les bas-fonds et les glacis. Les altitudes de la commune sont comprises entre 240,1 m et 265 m pour une médiane correspondante de 252,6 m.

Comme dans la plupart des communes de la région du Liptako-Gourma, le climat de Téra est caractérisé par une évapotranspiration potentielle de plus de 2000 mm par an, d’une pluviométrie moyenne annuelle de 420 mm et des pluies intenses et mal reparties dans le temps et dans l’espace. La température moyenne annuelle est de 30 °C. Les mois d’Avril et Mai sont les plus chauds avec une température pouvant atteindre 45 °C. Les vents caractéristiques sont l’Harmattan (vent chaud et sec soufflant en direction Nord-Est sud-ouest) et la mousson (un vent humide soufflant dans la direction sud-ouest nord-est).

Les eaux des pluies alimentent et constituent les principaux points d’eau de surface directement ou indirectement utilisés par les populations et le cheptel pendant une bonne partie de l’année. Ces eaux s’écoulent parallèlement aux dunes et s’accumulent dans les zones argileuses en formant des mares temporaires.

Le contexte hydrogéologique de la commune urbaine de Téra fait distinguer deux types de nappes dans le Liptako18, en particulier dans la commune de Téra :

Les nappes superficielles contenues dans les formations quaternaires (alluvions, sables éoliens) et les couches d’altérites. Ces aquifères sont tributaires de la pluviométrie et caractérisés par les faibles débits. Ces nappes alluviales sont localisées dans les lits du fleuve Niger et ses affluents. Elles sont d’extension limitée et à réserves temporaires. Ils sont implantés dans les sables des ravins et les limons en bordure du Dargol (affluent du fleuve) et exploités à travers les puits et les puisards.

Les nappes profondes contenues dans les fractures des roches cristallines et cristallophylliennes. Elles sont localisées essentiellement dans les fractures et dans les couches superficielles altérées des roches (altérites).

Au plan hydrographique (Figure 2), la commune urbaine de Téra dispose de nombreuses mares permanentes, semi-permanentes et temporaires. Elle reçoit un certain nombre de petits affluents dont le principal est le Dargol. Ce cours d’eau prend sa source au Burkina Faso et draine un bassin versant de 2.750 km2 au droit de Téra où un barrage a été créé en 197819.

Figure 2. Carte hydrographique du bassin de la commune Urbaine de Téra

Source : Kailou Djibo, Abdou (SINGER), janvier 2024.

D’après les données du recensement national des localités de l’Institut National de la Statistique de 2014, la commune urbaine de Téra est composée du noyau urbain avec 12 quartiers et 17 villages administratifs. La population a été estimée à 96.289 personnes en 2022 sur la base d’un taux d’accroissement de la population de 3 % extrapolé à partir des données du RGP/H 2012. Selon les projections de l’Institut National de la Statistique, cette population de la commune urbaine serait de 141.949 en 2030 et 170.779 habitants en 2035. Parmi cette population, les songhaï constituent l’ethnie dominante suivie des gourmantchés, des peulhs, des touaregs, des haoussas, des mossis, et de quelques arabes.

Méthodologie

Pour la rédaction de cet article, une méthode mixte combinant des données cartographiques, climatiques, qualitatives et quantitatives a été adoptée. Les données quantitatives ont permis d’évaluer les incidences du changement climatique sur les ressources en eau. Elles ont également concerné les perceptions des populations de Téra par rapport aux effets du changement climatique sur les services d’eau. Quant aux données qualitatives, elles ont servi à la compréhension de l’état de l’environnement et la résilience des populations de Téra.

Les données climatiques utilisées proviennent de la Direction départementale de l’agriculture de Téra (Niger) et la base des données de la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Nous avons utilisé les données annuelles de précipitations en mm, de températures moyennes en °C et les fréquences d’inondations de 1990 à 2020. L’étude de l’évolution du climat a été faite à travers une analyse de la variabilité annuelle des données climatiques. Il a été question d’analyser l’évolution pluviométrique et celle de températures minimales et maximales, évaluer les tendances et identifier d’éventuelles ruptures dans les séries chronologiques de pluies et de températures.

À l’échelle du bassin communal, une analyse diachronique d’occupation des sols a été effectuée afin de mettre en évidence les mutations territoriales et environnementales de 1990 à 2020. Une attention particulière a été accordée aux processus d’érosion suite aux inondations, la disparition du couvert végétal et des points d’eau dans le temps. Ainsi, l’approche cartographique a été déterminante pour apprécier l’évolution multi dates de ravinement à l’échelle de la commune urbaine de Téra. Pour cela, un suivi de la densité de drainage a été envisagé à travers l’analyse des images Landsat de 1990, 2010 et 2020. Grâce à cette cartographie, l’évolution des surfaces des plans d’eau et des cours d’eau a été analysée. Pour estimer l’érosion linéaire, quelques ravines caractéristiques ont été suivies en longueur, largeur et profondeur afin d’apprécier le volume.

Les données pour les ressources en eau de surface ont été obtenues par analyse diachronique des images Landsat. Pour ce faire, une carte du réseau hydrographique a été réalisée afin d’analyser la distribution des mares et de leurs dynamiques intra-annuelles à l’aide des outils SIG notamment Arc View, et QGis. Relativement aux eaux souterraines, les débits de quelques puits situés en zone rurale de la commune urbaine de Téra ont été collectés sur la base des données de l’Institut Géographique National de Niger (IGNN) afin d’analyser la variation des profondeurs et des débits. Ces informations ont été complétées par les données empiriques issues des archives bibliographiques et des entretiens avec les responsables des services techniques départementaux du génie rural et de l’hydraulique. La recherche d’autres données secondaires a consisté à interviewer les responsables des services techniques départementaux de l’agriculture, de l’élevage, de l’environnement et le responsable de la Société Nigérienne de l’Eau (SNE). Ces entretiens semi-directifs ont permis d’avoir des informations qualitatives, des avis et opinions sur les manifestations du changement climatique, ses facteurs et ses effets sur l’eau et l’environnement.

Pour les données quantitatives, une enquête a été menée auprès de 95 ménages sur le 9072 que compte la commune urbaine de Téra. La détermination de la taille de l’échantillon de 95 ménages a été faite suivant la méthode probabiliste. Cet échantillon est calculé avec la formule Survey Monkey écrite comme suit:

n=tp2×P1P×Ntp2×P1P+N1×Y2

Avec

n = Taille de l’échantillon ;

N : Taille de la population ciblée (nombre de ménages);

tp = Intervalle de confiance d’échantillonnage. Pour un intervalle de confiance de 95%, tp = 1,96 ;

P = Proportion attendue d’une réponse de la population ou proportion réelle. Dans le cas d’une étude multicritère ou lorsqu’aucune autre étude n’a été réalisée dans le domaine, elle peut être fixée à 0.5 par défaut ce qui permet d’avoir le plus grand échantillon possible. (Survey Monkey);

Y = marge d’erreur = 10 % ;

Nombre total de ménages = 9072.

La taille globale de l’échantillon de 95 a été répartie dans 5 quartiers urbains et 3 villages témoins de la commune urbaine de Téra proportionnellement à leur nombre de ménages en 2012. Ainsi nous avons enquêté 24 ménages au quartier Douane, 16 à Guenobon, 16 à Farko, 5 à Lourgou Birgui, 3 à Badjirga, 15 à Doumba, 11 à Bégourou Tondo et 5 à Djankara. Toutes ces localités ont été choisies en fonction de leur lien avec les ressources d’eau (mares, barrage, marigot, vallée du fleuve Niger). Dans un quartier ou village, nous avons enquêté les personnes de plus de 55 ans dans les ménages. Ces personnes âgées maitrisent plus que les jeunes, le phénomène de changement climatique depuis les années 1950.

Résultats et Discussion

Irrégularité des pluies dans la commune urbaine de Téra

La commune urbaine de Téra est localisée dans la zone sud-sahélienne où le climat sahélien est caractérisé par une saison pluvieuse très courte (3 à 4 mois, de juin à septembre) suivie d’une période sèche longue de 8 à 9 mois d’octobre à juin au Niger. Elle est comprise entre les isohyètes 420 mm au Nord et 440 mm au Sud. La pluviométrie annuelle de ces 33 dernières années (1990-2022), Figure 3, varient beaucoup dans le temps et vont de 260 à 660 mm selon les années, avec une moyenne inter annuelle de 466 mm. Dans ces dernières années, il a été constaté un retard dans l’installation des pluies (mi-juin) et leur arrêt précoce (mi-septembre au plus tard).

Figure 3. Évolution de la pluviométrie à Téra

Source : Série de données à station de Téra.

L’analyse de la pluviométrie de 1990 à 2022 a permis d’observer la variabilité inter annuelle ainsi que les périodes de déficits et d’excédents pluviométriques. Au cours de ces 33 dernières années (1990-2022), on remarque:

Une séquence relativement sèche qui s’étale sur 19 années discontinues (1990, 1991, 1992, 1993, 1995, 1996, 1997, 2001, 2002, 2003, 2004, 2006, 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2014 et 2022);

Une deuxième séquence relativement humide qui couvre 15 années plus ou moins discontinues (1994, 1998, 1999, 2000, 2005, 2007, 2012, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021). Ainsi, on remarque plus d’années sèches (en dessous de la précipitation médiane) que d’années humides au cours de ces 33 dernières années au niveau de la commune urbaine de Téra. Cette situation a eu des implications importantes sur la recharge des nappes phréatiques dans la commune de Téra comme à Essaouira20.

A l’aide de l’Indice Standardisé de Précipitation (IPS), Figure 4, qui se repose seulement sur les précipitations, nous avons appréhender l’évolution de la pluviométrie à la station de Téra de 1990 à 2022. Avec cet outil, les probabilités sont standardisées de sorte qu'un SPI de 0 indique une quantité de précipitation médiane par rapport à une climatologie moyenne de référence, calculée sur 30 ans. Ainsi, il a été observé à Téra la seule année de 2020 avec une pluviométrie extrême. Les périodes de forte pluviométrie correspondent aux années 1998, 2018 et 2021. Le nombre des années d’humidité relative sont de 11 sur 33. En conclusion, on constate qu’il y a une alternance d’années humides et sèches dans la commune urbaine de Téra comme ailleurs au Sahel s’agissant de la pluviométrie et le changement climatique.

Figure 4. Indice standardisé de précipitation (IPS) de la ville de Téra

Source : Données NASA/POWER, 2023.

On constate une évolution des pluies en dent-de-scie et une mauvaise répartition de celles-ci dans le temps et dans l’espace à Téra. En ce sens, ce résultat corrobore les analyses de certains auteurs comme21 qui ont démontré que les pluies sont irrégulières et caractérisées par une forte variabilité spatio-temporelle dans la plupart des cas d’études au Sahel. L’analyse des données de précipitations de 1990 à 2020 de la commune urbaine de Téra a montré une tendance à l’augmentation des pluies.

La Figure 4 montre cette tendance à la hausse des précipitations. Le mois d’Aout est le plus arrosé avec une pluviométrie observée à 171 mm à la station de Téra et un cumul mensuel moyen pour la commune urbaine de 168 mm. Ces précipitations mal reparties dans le temps et l’espace sont les principales causes des inondations et constituent des préoccupations pour les populations de Téra. Les eaux de ruissellement tributaires des eaux de pluie sont les plus importantes pendant ce mois. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les ressources en eau de la commune urbaine de Téra. En effet, à Téra comme ailleurs, les fortes précipitations concourent à des inondations même si la moyenne de ces pluies reste aussi basse que celle des années 197022. En ce sens, les résultats de l’enquête ménage montrent que les fortes pluviométries des années 1998, 2012, 2018 et 2020 ont été à l’origine des inondations même si elles ont été rares à Téra. Ils sont également convaincus que ces précipitations ont contribué au ruissellement et à l’envasement du principal affluent fleuve Niger, le Dargol qui traverse la commune urbaine de Téra. Suite à ces inondations, les eaux ont été polluées sur le plan physique et biologique engendrant ainsi des problèmes de santé publique et environnementale. En effet, l’écoulement rapide et intense des eaux ont provoqué des dommages sur les ouvrages d’assainissement (les latrines principalement) et transporté des matières en suspension en grande quantité. Cette situation a provoqué des irritations de la peau et des diarrhées selon la direction départementale de santé.

Températures et l’évapotranspiration dans la commune urbaine de Téra

Au niveau de la station de Téra, les températures présentent une très importante variation saisonnière. La température moyenne inter annuelle dans la commune urbaine de Téra est de 26,5 °C. La moyenne annuelle des températures varie de 24,2 °C pour le mois de janvier à 34,48 °C durant le mois de mai. La moyenne interannuelle des minimas est de 23,1 °C contre 44,1 °C pour les maximas. On observe des variations de 8 °C à 45 °C. Les basses températures sont enregistrées en novembre, décembre, janvier et au début du mois de février. Ainsi, d’octobre à février, le temps rafraîchit et le mercure peut indiquer moins de 10 °C la nuit le plus souvent. Le jour, la température se stabilise entre 25 et 30 °C. L’harmattan est responsable de ce changement de température. Le mois de janvier est le plus frais, tandis que les fortes valeurs s’observent en avril-mai en saison sèche chaude. Pendant cette saison, on observe généralement des pics pouvant atteindre 45 °C à l’ombre. Concernant la ventilation et l’hygrométrie, la situation se caractérise par la prévalence des vents chauds et secs (harmattan) pendant la saison sèche (novembre à mai). Ils sont de vitesse relativement forte accompagnée le plus souvent de vagues de poussière. La saison des pluies quant à elle, est marquée par des vents humides du sud et du sud-ouest (Mousson) de vitesse modérée. Les taux de l’humidité relative de l’air montrent une variation annuelle de 18 à 90 %. À partir du mois de juin, période du début de la mousson, le taux de l’humidité de l’air croit, et atteint son pic au cœur de la saison de pluies en juillet-aout.

L’analyse des données obtenues à la Direction départementale de la météorologie de Téra fait ressortir une augmentation des températures dans la commune urbaine de Téra entre 1990 et 2022 (Figure 5) 43,63 °C en 1990 et 45,26 °C en 2022, soit une augmentation de 1,63 °C. Ceci prouve que la zone connaît un réchauffement climatique comme l’a prédit le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat23. Les valeurs moyennes mensuelles de l’évapotranspiration en rapport avec les pluies moyennes indiquent que la recharge n’est possible que dans le mois d’août. Cette augmentation de température couplée au vent fort, à l’humidité de l’air et à l’évapotranspiration potentielle inter annuelle estimée à 2.287 mm24, diminuent les quantités d’eau brutes dans la commune urbaine de Téra.

Figure 5. Évolution de la température maximale à Téra

Source : Données NASA/POWER, 2023.

Baisse de la production d’eau brute dans la commune urbaine de Téra

L’alimentation en eau de/dans la commune urbaine de Téra se fait principalement par l’eau du barrage-réservoir de Téra et 221 points d’eau moderne toutes catégories confondues. Le bassin versant du barrage s’étendait au-delà de la frontière entre le Niger et le Burkina Faso. La superficie du bassin s’élevait à 2.750 km2, dont 260 km2 au Burkina Faso en 1980. Sa cuvette avait un volume d’eau brut de 21,1 millions de m3 à la réalisation et est alimentée par le Dargol (principal cours d’eau) et des ravins (koris) dont les principaux sont le Tassigorou et le Zindigorou. La retenue occupait une superficie totale de 12,20 km2 environ et avait un volume de 7,7 millions de m3. L’exploitation du barrage se fait avec plusieurs usages dont l’agriculture irriguée qui a atteint environ 200 hectares en 2022, l’élevage, la pêche, et la consommation humaine25. Cependant, compte tenu des aléas climatiques dont l’augmentation de la température, l’évaporation, la dégradation accélérée de l’environnement, cette retenue a connu une baisse drastique d’eau. Son volume actuel reste inférieur à 5 millions de m3. En plus, d’après nos entretiens, un phénomène nouveau est apparu depuis 2001, à savoir la baisse importante des débits des forages devant alimenter la ville en eau. En effet, ces forages sont alimentés par l’eau du barrage qui recharge les nappes. Cette baisse de production a eu comme effet la diminution des surfaces cultivables et l’immigration des éleveurs vers les zones humides pendant plusieurs mois de l’année.

L’observation de la Figure 6 montre une corrélation entre l’augmentation de la température et la baisse de la production d’eau brute au niveau du barrage réservoir à Téra. En effet selon les données recueillies au niveau de la Société d’Exploitation des Eaux du Niger, on peut aisément remarquer une baisse de production d’eau au cours des/dans les années 1993, 1998, 2000, 2002, 2009, 2016 et 2018. Ces années ont été relativement chaudes. Ainsi, le réchauffement climatique a aussi des conséquences dramatiques sur les ressources en eau de la commune urbaine de Téra. En effet, l’augmentation des températures a des impacts directs sur les eaux de surface. Or, à Téra l’essentiel des ressources en eau est en surface. La commune dispose de nombreuses mares permanentes, semi-permanentes et temporaires. Elle reçoit un certain nombre d’affluents dont le principal est le Dargol. En ce sens, elle fait partie des communes les plus nanties du département de Téra en matière de ressources en eau de surface. En revanche, elle dispose de peu d’eaux souterraines dû à son emplacement en zone de socle.

Figure 6. Corrélation entre l’évolution de la température et la production d’eau potable à Téra

Source : Série de données à station de Téra et la nigérienne des eaux.

À Téra, plusieurs personnes dépendent encore de sources d’eau de surface telles que les mares, les marigots et le barrage du Dargol. Ceci corrobore le constat fait par26 qui souligne qu’à Téra, le moindre point d’eau de surface est exploité par les populations. En effet, dans la partie urbaine de la ville, 100 % des enquêtés s’approvisionnent en eau via le réseau officiel de la Nigérienne Des Eaux. La seule source d’eau de cette société est l’eau du barrage de Téra érigé pour l’alimentation en eau de la ville et les villages environ comme nous l’avons dit ci haut. Le volume d’eau de ce barrage ne dépasse guère 3.000.000 m3 en période de chaleur (mai et juin de l’année). Ainsi il est très impacté par la hausse des températures et l’évapotranspiration. Il en est de même pour les mares et marigots situés dans la commune selon nos investigations. Dans la partie rurale de la commune et en temps normal 56 % des personnes interrogées utilisent l’eau des points d’eau modernes (forages et puits cimentés), 15 % de la mare, 17,6 % pour les puits traditionnels, 9,9 % pour le barrage-réservoir de Dargol et 1,5 % pour le marigot. Par contre, en période de forte chaleur avec le tarissement des eaux de surface suite à l’évapotranspiration et l’augmentation de la température, les populations n’ont pas beaucoup de choix. Ainsi, on observe « un renversement de la situation précédente et l’apparition d’une nouvelle situation qui consiste pour les populations à se replier sur les points d’eau modernes (forages et puits cimentés) et quelques puits traditionnels de fortun»27. Les forages sont dans ce cas les plus utilisés avec 72,7 % des personnes interrogées contre 27,3 % pour les puits. Cette période d’assèchement de ces sources d’eau qui intervient avec l’installation de la saison sèche et chaude ouvre une période de déception et de résilience pour les populations et l’écosystème en général. En ce sens, le changement climatique est une variable de taille à considérer sur la disponibilité des ressources en eau à Téra comme dans certaines parties du Sahel28.

Augmentation des ravines dans le terroir de la ville de Téra

Pour établir une relation entre le changement climatique et l’érosion hydrique à Téra, nous avons procédé par une analyse diachronique d’occupation du sol par les ravines de 1990 à 2020 et des mesures in situ. En ce sens, l’observation des cartes des années 1990 (Figure 7), 2010 (Figure 8) et 2020 (Figure 9) fait ressortir une importante dynamique de ravinement, d’abord au cours et entre ces années. Nous avons démontré une augmentation des précipitations dans la commune urbaine de Téra. Celle-ci s’accompagne forcément d’une hausse des écoulements, et donc de ravinement. Un accroissement des quantités des pluies de 5 % engendrerait une augmentation de l’ordre de 17 % de l’épaisseur d’eau moyenne annuelle écoulée29.

Figure 7. Cours d’eau de la commune de Téra en 1990

Source : Kailou Djibo, Abdou, (USGSL/Ladnsat5), Avril 2024.

Figure 8. Cours d’eau de la commune de Téra en 2010

Source : Kailou Djibo, Abdou, (USGSL/Ladnsat5), Avril 2024.

Figure 9. Cours d’eau de la commune de Téra en 2020

Source : Kailou Djibo, Abdou, (USGSL/Ladnsat5), Avril 2024.

L’observation de l’image Satellite landsat 05 en date du 03/09/1990 montre 156 ravins (drains) dont 4 principaux, soit une longueur totale de 792 km. En 2010, 142 drains étaient identifiés dont trois (3) drains principaux pour une longueur totale de de 752 km à la date du 29/11. En 2020, nous avons digitalisé via l’image satellite landsat 09 environ 213 drains dans la commune urbaine de Téra pour une longueur de 859 km à la date du 24/10. On constate donc une dynamique d’écoulement superficiel d’eau au sol à travers l’augmentation du nombre de drains et de la densité de drainage de 2010 à 2020. Cela est dû au phénomène d’artificialisation du sol et aussi à l’intensité des pluies. Cependant, l’augmentation des écoulements, au lieu d’avoir un impact positif avec une meilleure disponibilité des ressources en eau, a plutôt contribué à une érosion surfacique à Téra. La pluie tombe le plus souvent sous forme d’orage dans des conditions climatiques particulières caractérisées par une forte évapotranspiration et des températures très élevées. Il s’en suit chaque année, un ravinement responsable de la perte de grandes quantités de sol arables. Les résultats obtenus à travers le suivi et les mesures des ravines montrent qu’à l’échelle de la commune, les arbres sont déchaussés du jour au lendemain, qu’un volume du sol arable d’environ 1.233.533 tonnes est décapé pour la seule année de 2023. Ce volume important de terre érodée se draine dans les principaux cours d’eau en l’occurrence les mares et le barrage de Téra diminuant ainsi leurs capacités de stockage d’eau et de recharge des nappes. Ces résultats sont comparables à ceux d’Oumarou Ali30 sur le bassin de Dargol où il constate que 496.344 tonnes/an de sol fertile sont rasées par les ruissellements d’eau. Ils corroborent également les propos du Programme de gestion du littoral Ouest Africain31 qui souligne que l’érosion des côtes s’accroît avec le changement climatique qui accentue la montée des eaux.

Diminution du couvert végétal et des plans d’eau de surface

L’analyse des images Satellite landsat 05 et 09 de 1990, 2010 et 2020 permet d’identifier pour la commune urbaine de Téra cinq unités d’occupation du sol (Tableau 1). L’analyse de la dynamique de cette occupation de sol fait ressortir une augmentation de la surface dénudée au détriment des plans d’eau et la végétation.

Tableau 1. Unités d’occupation du sol à Téra

ENTITÉS

SUPERFICIE EN HECTARE (1990)

SUPERFICIE EN HECTARE (2010)

SUPERFICIE EN HECTARE (2020)

Habitation

3.061,560

5.234,625

6.549,690

Rivière/Plan d'eau

2.812,803

1.297,695

6.888,629

Savane

67.584,275

82.706,553

59.721,209

Sol nu/Champs

52.674,855

88.203,246

63.125,988

Végétation

81.114,914

29.806,289

70.962,892

Source : USGS/Landsat 5 et 9 (1990-2022).

L’analyse comparative de ces images satellitaires fait ressortir une évolution du taux d’occupation des sols, se traduisant soit par une régression soit par un accroissement des superficies de ces sept unités (Tableau 1). L’année 2010 a été très sèche comme dit ci haut, ainsi, constate-t-on une réduction drastique des surfaces des plans d’eau et de la végétation. Ainsi, les taux relatifs de réduction sont de 46% pour l’eau de surface et de 37,74 % pour la végétation. Cette réduction des superficies du plan d’eau et la végétation est due au fait que les imageries satellitaires portent sur la période des hautes eaux pour celle de 1990 et sur la période de basses eaux pour celle de 2010. Elle pourrait s’expliquer également par le fait que l’année 2010 était déficitaire en pluie dans la commune urbaine de Téra. Ce déficit d’eau combiné à la forte évaporation accentue les feuilles mortes des arbres, la vidange et le tarissement rapide des cours d’eau à Téra. Ce résultat est similaire de ceux de32 qui soulignent une réduction du volume d’eau du barrage de Téra suite à l’évapotranspiration et la sédimentation de son bassin. Toutefois, on remarque une augmentation de la surface d’eau entre 2010 et 2020. Cela est dû à une forte pluviométrie en 2020 dans la commune de Téra entrainant une augmentation des ravines et des zones inondables.

Conclusion

À l’instar de plusieurs localités du Sahel, la commune urbaine de Téra n’est pas à l’abri des impacts du changement climatique sur les ressources en eau. L’alimentation en eau de la commune se fait à partir des forages, des mares et des retenues d’eau impropres à la consommation humaine. Ces sources d’eau tarissent très vite en saison sèche sous l’effet des aléas climatiques que sont la température, le vent, l’ensablement, l’envasement, les ravinements et les inondations. Les résultats obtenus montrent que les ressources en eau de la commune sont impactées par le changement climatique. Les facteurs significatifs de ce changement climatique sont l’irrégularité des pluies, les températures élevées augmentant l’évapotranspiration. Il s’ensuit des conséquences dont une recharge aléatoire de la nappe due au socle, une augmentation des ravines et une diminution du couvert végétal et des plans d’eau de surface.

Aussi, compte tenu, du fait que les eaux pluviales restent encore la seule alternative pour l’approvisionnement en eau potable des populations de la commune urbaine de Téra, le recours à des ressources non conventionnelles comme les eaux usées épurées pour l’agriculture et d’autres besoins domestiques doit être priorisé. En outre, la commune dispose de plusieurs mares avec un temps de concentration des écoulements relativement long de plus de 3 jours. Cette situation peut favoriser l’infiltration des eaux au niveau des formations géologiques perméables et une recharge des nappes superficielles. En ce sens, les stratégies d’adaptation pourront être élaborées en fonction de l’intensité et de l’ampleur des aléas climatiques.

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2 GIEC, 2014, 63. PS-EAU, 2016, 6. Fiorillo et al., 2015, 5. Mamadou et al., 2019, 99.

3 Benjaminsen et al., 2012, 104.

4 Kundzewicz et al., 2007, 185.

5 Bauwens; Sohier; Degré, 2012, 84.

6 Ouhamdouch; Mohammed; Paulà Maria, 2018, 18.

7 Bennabi et al., 2012, 109.

8 GIEC, 2023, 3.

9 Elghadi; Ballouche, 2004, 104.

10 Drissa Soro et al., 2011, 67.

11 Jun; Melda, 2020, 11.

12 WaterAid, 2021, 2.

13 Mamadou, 2015, 89.

14 Abdou-Babaye et al., 2018, 483.

15 Moussa, 2018, 210.

16 Moussa, 2022, 15.

17 Moussa ; Madelin, 2023, 4.

18 Abdou Babaye, 2012, 99.

19 République du Niger. 2022, 5. Commune urbaine de Téra, 2023.

20 Ouhamdouch; Mohammed; Paulà Maria, 2018, 18.

21 Moussa, 2018, 141. Vischel et al., 2015, 45.

22 Mahé ; Paturel, 2009, 544.

23 GIEC, 2014, 63, 92.

24 Ministère de l’hydraulique et de l’assainissement, 2019, 45.

25 Ali Oumarou, 2024, 40.

26 Moussa, 2018, 309.

27 Moussa, 2018, 309.

28 Nguimalet et al., 2016, 321.

29 Ministère de l’hydraulique et de l’assainissement, 2019, 58.

30 Ali Oumarou, 2024, 54.

31 Programme de gestion du littoral Ouest Africain, 2016, 1.

32 Hassane Seyni et al., 2014, 152.